Liberté, égalité, fraternité (Partie 21)
- jeanbernardritt
- 14 avr. 2023
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Liberté, égalité, fraternité (Partie 21)
LES FORMES CONTEMPORAINES DE L’ETAT
Il n’existe plus, ou seulement de manière tout à fait exceptionnelle, d’Etats caractéristiques du type de société esclavagiste. Les Etats de type féodal tendent à disparaître. Mao Tsetoung écrivait en 1939 :
« Les nombreux régimes d’Etats qui existent dans le monde peuvent donc être ramenés à trois types fondamentaux, d’après le caractère de classe du pouvoir politique :
a) La république de dictature bourgeoise ;
b) La république de dictature prolétarienne ;
c) La république de dictature conjointe de plusieurs classes révolutionnaires. »
Il y a donc : l’Etat capitaliste, l’Etat socialiste et l’Etat de démocratie nouvelle.
L’ETAT CAPITALISTE
Il assure la domination de la classe bourgeoise sur le prolétariat, sous trois formes essentielles : la monarchie, la démocratie bourgeoise et le fascisme :
« En expliquant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, tous les socialistes ont exprimé cette idée, formulée de la manière la plus scientifique par Marx et Engels, à savoir que la république bourgeoise la plus démocratique n’est rien d’autre qu’un appareil permettant à la bourgeoisie de réprimer la classe ouvrière, permettant à une poignée de capitalistes d’écraser les masses laborieuses. » (122)
La monarchie absolue correspondait autrefois à une société de type féodal. La monarchie est devenue « libérale », « éclairée », ou « parlementaire » quand elle est devenue une forme étatique capitaliste (exemple actuel : l’Etat en Grande Bretagne a une monarchie parlementaire.)
La démocratie bourgeoise a institué le « suffrage universel ». Elle est née d’abord en France par la Révolution démocratique du 14 juillet 1789. Elle est, par excellence, une forme étatique du capitalisme usant des tromperies du parlementarisme et de l’électoralisme.
Le fascisme est une forme étatique du capitalisme qui assure, selon Dimitrov « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier. »
Ces trois formes de l’Etat assurent la dictature de la bourgeoisie :
« Le gouvernement moderne n’est qu’un comité qui gère les affaires communes de la classe bourgeoise tout entière. »
« L’Etat moderne, quelle que soit la forme, est une machine essentiellement capitaliste : l’Etat des capitalistes est le capitalisme collectif en idée. » (123)
La France contemporaine vit dans une démocratie bourgeoise en voie de fascisation. L’Etat est engagé dans un processus destiné à permettre la substitution éventuelle du fascisme à la forme démocratique bourgeoise actuelle. Cette éventualité aurait pour but d’opposer, en cas de nécessité, un Etat plus efficace dans la défense des privilèges et de la domination de la bourgeoisie, attaquée par la montée du mouvement révolutionnaire. La crise générale en cours du capitalisme français et mondial, crée des conditions historiques comportant cette hypothèse … ou la révolution prolétarienne.
L’ETAT SOCIALISTE
Il assure la domination du prolétariat sur la bourgeoisie. Sa fonction historique est d’assurer l’étape transitoire du capitalisme au communisme. A ce sujet, Lénine a indiqué dans L’Etat et la Révolution :
« Le passage du capitalisme au communisme ne peut évidemment pas ne pas fournir une énorme abondance et diversité de formes politiques mais leur essence sera inévitablement une : la dictature du prolétariat. » (124)
Jusqu’à aujourd’hui, la dictature du prolétariat garantie par l’Etat socialiste, a « fourni » trois formes historiques : la Commune de Paris, le pouvoir des Soviets, et la démocratie populaire.
La Commune de Paris institua en effet la première forme d’Etat de dictature du prolétariat. Mais, à son époque, n’existait pas encore un parti révolutionnaire spécifiquement prolétarien. Son Etat souffrait gravement de la direction anarchique de plusieurs partis, révolutionnaires, certes, mais qui ne disposaient ni du contenu de classe, ni des structures, ni du fonctionnement d’un authentique parti du prolétariat.
Le pouvoir des Soviets a constitué la forme étatique supérieure de la dictature du prolétariat dirigée par un seul parti, le parti du prolétariat, parti nouveau, créé et édifié par Lénine et Staline.
La démocratie populaire a exercé « les fonctions de la dictature du prolétariat » (Dimitrov). Elle est apparue, dans des conditions particulières, après la victoire de la révolution anti-impérialiste et anti-colonialiste en Asie, comme après la victoire de la guerre de libération nationale contre le nazisme et le fascisme en Europe. Dans un Etat de démocratie populaire, la dictature du prolétariat s’exerce sous la direction du parti de la classe ouvrière, s’appuyant sur une alliance avec des partis ou groupements représentant d’autres classes ou couches sociales, comme par exemple la paysannerie pauvre et moyenne ou la bourgeoisie nationale.
LA DEMOCRATIE NOUVELLE
Le régime d’Etat de la démocratie nouvelle est une forme d’Etat transitoire entre l’Etat capitaliste et l’Etat socialiste. Il est apparu dans la phase précédant la démocratie populaire, dans des pays jusque-là dominés par l’impérialisme, le colonialisme et le fascisme. Il assure la « dictature conjointe de plusieurs classes anti-impérialistes ». Il a été théorisé par Mao Tsetoung dans le cas particulier de la Chine. Le Vietnam du Nord a connu aussi une phase de démocratie nouvelle, tout comme plusieurs pays d’Europe centrale et orientale immédiatement après la fin de la deuxième guerre mondiale. Dans le cas de ces derniers pays, Jdanov qualifia, en 1947, leur système de « nouvelle démocratie ». Mao Tsetoung a aussi employé la formule « démocratie populaire ». Il convient donc d’éviter toute erreur assimilant une démocratie populaire, dictature conjointe de plusieurs classes, et une démocratie populaire, assurant la fonction de la dictature du prolétariat. Ce sont deux formes étatiques différentes.
La forme étatique de la dictature du prolétariat instaurée dans un pays où la révolution socialiste a brisé un Etat subordonné au capitalisme monopoliste (donc parvenu au stade capitaliste monopoliste d’Etat) n’a pas encore fait l’objet d’une seule expérience concrète. Sa théorisation reste donc difficile à élaborer sinon impossible.
L’APPORT DE LA COMMUNE DE PARIS A LA THEORIE MARXISTE DE L’ETAT
En 1847, Marx et Engels avaient découvert que la lutte de classes constitue le moteur de l’histoire. Mais l’expérience de la Commune de Paris fournit à Marx la démonstration que « la classe ouvrière ne peut pas simplement s’emparer de la machine d’Etat toute prête et la mettre en marche pour la faire servir à ses propres fins… » Comme l’indiquait le Manifeste du parti communiste. Dans la Guerre civile en France (1871) et à l’occasion des lettres ou préfaces concernant cet ouvrage sur la Commune de Paris, Marx développa l’idée que la classe ouvrière doit briser, démolir « la machine d’Etat toute prête » et ne pas se borner simplement à s’en emparer.
Lénine, dans L’Etat et la Révolution préserva et développa cette idée fondamentale de Marx :
« « Briser la machine bureaucratique et militaire », c’est en ces mots que se trouve brièvement exprimée la principale leçon du marxisme sur les tâches du prolétariat dans la révolution à l’égard de l’Etat. » (125)
Mao Tsetoung assigna les tâches de la révolution d’une manière encore plus claire si possible :
« La tâche centrale et la forme suprême de la révolution c’est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c’est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire du marxisme-léninisme est valable partout. » (126)
Et par quoi remplacer la machine d’Etat démolie ? La République prolétarienne socialiste de la Commune de Paris avait commencé à créer un Etat dont « le premier décret… supprima l’armée permanente et la remplaça par le peuple en arme », puis supprima toute la « bureaucratie », remplaça le parlementarisme par « une assemblée non parlementaire mais agissante, ayant en même temps le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ». Lénine dit :
« La Commune est la première tentative faite par la révolution prolétarienne pour briser la machine d’Etat bourgeoise, c’est la forme politique « enfin trouvée » par quoi l’on peut remplacer ce qui a été brisé… les révolutions russes de 1905 et de 1917, dans une situation différente, en d’autres conditions, continuent l’œuvre de la Commune et confirment la géniale analyse historique de Marx. » (127)
Cette forme du premier Etat prolétarien de l’histoire fut, en 1871, la première expérience de dictature du prolétariat
CRITIQUES DES THEORIES NON-PROLETARIENNES DE L’ETAT
Le révisionnisme renonce à la dictature du prolétariat.
Critiquant les sociaux-démocrates de la Deuxième Internationale, les révisionnistes de l’époque, Lénine précisait en 1917, peu avant la Révolution :
« Celui-là seul est un marxiste qui étend la reconnaissance de la lutte des classes jusqu’à la reconnaissance de la dictature du prolétariat. » (128)
Ce critère fondamental permet de nos jours de démasquer les révisionnistes modernes comme représentants de la bourgeoisie au même titre qu’hier le furent par Lénine tous les opportunistes et réformistes comme Kautsky et Bernstein.
Par exemple Khrouchtchev et ses successeurs ont prétendu parvenir au communisme dans un bref délai. En s’appuyant sur cette fanfaronnade, ils ont avancé leur théorie révisionniste de l’ « Etat du peuple tout entier », se substituant à la dictature du prolétariat. Mais ce ne fut là qu’un stratagème pour permettre à une nouvelle bourgeoisie d’usurper, après la mort de Staline, le pouvoir soviétique, de le transformer dans le sens de sa domination et de ses intérêts de classe opposés à ceux de l’immense prolétariat soviétique. Et finalement, ils ont établi de nouveau la dictature de la bourgeoisie sous une forme étatique « sociale fasciste ».
L’anarchisme
Les anarchistes veulent limiter la révolution à briser l’Etat de la bourgeoisie sans le remplacer par la dictature du prolétariat.
Cette attitude erronée correspond à leur méconnaissance théorique de l’origine et de la nature de l’Etat, instrument de domination d’une classe sur une autre classe opprimée. Elle revient à supposer qu’après la révolution disparaissent les antagonismes de classes et les classes elles-mêmes, alors qu’en réalité ce processus est infiniment plus complexe et plus long et ne disparaîtra pas, jusqu’au communisme.
Les anarchistes veulent instaurer une société « sans classe », mais ils ne s’en donnent nullement les moyens car, pour démolir, briser l’Etat de la bourgeoisie, il faut d’abord instaurer la force capable de mener cette tâche historique jusqu’au bout, c’est-à-dire la dictature du prolétariat. La révolution prolétarienne ne peut se passer de l’Etat de dictature du prolétariat pour accomplir complètement la destruction de l’Etat bourgeois.
LE COMMUNISME ET LE DEPERISSEMENT DE L’ETAT
Marx qualifie le socialisme de « première phase de la société communiste ». Pendant cette phase qui assure la transition du capitalisme au communisme, subsiste l’Etat. Les expériences d’édification du socialisme, expériences victorieuses en Union soviétique et en République populaire de Chine, nous montrent que l’étape du socialisme est longue et ardue ; pendant cette période, la bourgeoisie ne se tient jamais pour battue, et la réaction essaye de prendre sa revanche de l’intérieur (révisionnisme) ou de l’extérieur (encerclement impérialiste). Dans toute cette période, le problème consiste à faire régner l’idéologie prolétarienne.
Par sa victoire, la Grande Révolution Prolétarienne Culturelle en Chine a incrusté plus solidement l’Etat de dictature du prolétariat. La voie suivie par cet Etat socialiste est fondamentalement inverse de la voie suivie par Khrouchtchev et ses successeurs, qui ont essayé et réussi à diluer la dictature du prolétariat dans un « Etat du peuple tout entier ».
Donc, l’Etat socialiste (dictature du prolétariat) assure la démocratie pour l’immense majorité du peuple et réprime par la force les exploiteurs et oppresseurs du peuple ; il assure aussi l’hégémonie prolétarienne par la refonte idéologique, morale et culturelle de l’homme. Engels s’exprime à ce sujet en écrivant :
« Tant que le prolétariat a besoin de l’Etat ce n’est point pour la liberté mais pour réprimer ses adversaires et le jour où l’on pourra parler de liberté il n’y aura plus d’Etat. » (129)
« Seul le communisme rend l’Etat superflu – écrit Lénine – car il n’y a alors personne à réprimer, « personne » dans le sens de classe, dans le sens de lutte systématique contre une partie déterminée de la population. »
Liberté, égalité, fraternité (Partie 22)
CHAPITRE III
LE PROLETARIAT
« Marx et Engels enseignaient que le prolétariat industriel est la classe la plus révolutionnaire et, par conséquent la classe la plus avancée de la société capitaliste ; que seule une classe comme le prolétariat peut rallier autour d’elle toutes les forces qui sont mécontentes du capitalisme, et les mener à l’assaut du capitalisme. Mais pour vaincre le vieux monde et créer une société nouvelle, sans classes, le prolétariat doit avoir son propre parti ouvrier, que Marx et Engels appelaient parti communiste. » Staline
Dans la formation sociale où domine le mode de production capitaliste le sort du prolétariat apparaît indissociablement lié au sort de la bourgeoisie. Les deux classes se définissent par opposition l’une à l’autre.
L’acte de naissance du prolétariat et de la bourgeoisie, en tant que classes antagonistes, est le même : c’est la révolution bourgeoise et la destruction du mode de production féodal. Dès lors les rapports de la bourgeoisie au prolétariat sont des rapports de classe dominante à classe dominée, d’exploiteurs à exploités, d’oppresseurs à opprimés.
Le prolétariat s’éduque en menant sa lutte de classe contre la bourgeoisie, par le socialisme scientifique et par le développement de la grande industrie moderne.
LE RÔLE HISTORIQUE DE LA BOURGEOISIE
Dans la phase ascendante de la classe bourgeoise, son rôle historique fut éminemment révolutionnaire, c’est-à-dire que la révolution bourgeoise a marqué un progrès de la lutte de classe. Les tâches accomplies alors par la bourgeoisie furent :
« … la destruction effectivement révolutionnaire de la féodalité qui avait fait son temps, l’adoption par le pays tout entier avec une promptitude, une résolution, une énergie et une abnégation vraiment démocratiques et révolutionnaires d’un mode supérieur de production, la libre possession du sol par les paysans. » (130)
Quelles furent les conditions objectives et les forces subjectives qui permirent la complète réalisation de ces tâches à la bourgeoisie ?
LES CONDITIONS OBJECTIVES DE LA REVOLUTION BOURGEOISE
LE MOYEN ÂGE
Avant la production capitaliste, c’est-à-dire au moyen âge, où le mode de production féodal était déterminant, on est en présence partout de la petite production. Cette petite production est fondée par la propriété privée des travailleurs sur leurs moyens de travail différents artisanats dans les villes. Les moyens de travail (la terre, les instruments aratoires pour les petits paysans ; l’atelier, les outils pour les artisans) étaient les moyens de travail de l’individu : ils étaient calculés pour un usage individuel. Donc ils étaient nécessairement limités, se réduisant à peu de choses : et pour cette raison même, ils appartenaient au producteur lui-même.
Donc la féodalité se caractérise en général par des moyens de travail limités, individuels et propriété privée des travailleurs.
LA REVOLUTION CAPITALISTE
Le rôle historique du mode de production capitaliste, et de la classe qui en est le support, la bourgeoisie, a été de concentrer et d’élargir les moyens de production jusque là dispersés et étriqués. Ces moyens de production se sont développés sous le règne de la bourgeoisie jusqu’à devenir les moyens de la production que nous connaissons actuellement :
« Une multitude d’ouvriers fonctionnant en même temps sous le commandement du même capital, dans le même espace (ou si l’on veut, sur le même champ de travail), en vue de produire le même genre de marchandises, voilà le point de départ historique de la production capitaliste. » (131)
Dans la quatrième section du livre premier du Capital, Marx décrit dans les moindres détails la façon dont la bourgeoisie s’est acquittée de cette tâche, depuis le XV° siècle, en passant par trois formes :
La coopération simple ;
La manufacture ;
La grande industrie.
Mais comme Marx le prouve dans ce même endroit, la bourgeoisie ne pouvait pas transformer les moyens de travail limités de l’individu du moyen âge en puissantes forces productives sans transformer aussi ces moyens de production limités de l’individu du moyen âge en moyens de production sociaux, utilisables seulement par un ensemble d’hommes :
« …L’emploi d’un personnel nombreux amène une révolution dans les conditions matérielles du travail. (…) Les moyens de production servent à plusieurs ouvriers simultanément : leur usage devient commun. » (132)
Ainsi, la concentration et l’élargissement des moyens de production font que ceux-ci sont exploités collectivement. Par exemple là où on trouvait : le rouet, le métier à tisser, le marteau du forgeron, sont apparus : la machine à filer, le métier mécanique, le marteau à vapeur. Ces nouveaux instruments, qui remplacent l’outil de l’artisan individuel, ne peuvent être exploités que collectivement. Ainsi, au lieu de l’atelier individuel, est née la fabrique qui commande la coopération de centaines de milliers d’hommes.
Les deux aspects de la fabrique sont définis ainsi par Lénine :
« La fabrique, qui à d’aucuns semble seulement un épouvantail, est la forme supérieure de la coopération capitaliste, qui a groupé, discipliné le prolétariat, qui a enseigné l’organisation, qui l’a mis à la tête de toutes les catégories de la population laborieuse et exploitée. C’est le marxisme, idéologie du prolétariat éduqué par le capitalisme, qui a enseigné et enseigne, (…) la différence entre le côté exploiteur de la fabrique (discipline reposant sur la crainte de mourir de faim), et son côté organisateur (discipline reposant sur le travail en commun résultant d’une technique hautement développée). » (133)
De même que les moyens de production, la production elle-même se transforme d’une série d’actes individuels en produits sociaux. C’est-à-dire le fil, le tissu, la quincaillerie qui sortent de la fabrique sont le produit collectif de nombreux ouvriers réunis : ces produits avant d’être finis passaient par les mains de chaque ouvrier. Le produit est un produit social et aucun des ouvriers particuliers ne peut le revendiquer comme étant le sien.
Alors qu’au moyen âge, les produits de l’artisan ou du paysan étaient leurs produits propres, individuels, dans le mode de production capitaliste, les produits sont ceux d’un travailleur collectif, la production est sociale. Dans le premier cas, l’artisan et le paysan produisent des marchandises, dans le second cas, ce n’est pas l’ouvrier individuel qui produit des marchandises, mais le travailleur collectif.
« Mais qu’est-ce qui constitue le rapport entre les travaux indépendants (de l’artisan ou du paysan) ? C’est que leurs produits respectifs sont des marchandises. Et qu’est-ce qui caractérise au contraire la division manufacturière du travail ? C’est que les travailleurs parcellaires ne produisent pas de marchandises. Ce n’est que leur produit collectif qui devient marchandise. » (134)
La production individuelle (artisanale ou agricole) succombera dans un domaine après l’autre, et la production sociale révolutionnera tout le vieux mode de production féodal : d’un côté, production sociale des produits, de l’autre côté, production individuelle des produits, d’un côté, travail social, de l’autre côté, travail isolé. L’aspect positif de la révolution bourgeoise est d’avoir substitué la production sociale à la production individuelle, le travail social au travail isolé.
LES LIMITES DE LA REVOLUTION BOURGEOISE
Quel est l’aspect négatif de la révolution bourgeoise ?
« Le mode de production capitaliste se présente comme une nécessité historique pour transformer le travail isolé en travail social ; mais, entre les mains du capital, cette socialisation du travail n’en augmente les forces productives que pour l’exploiter avec plus de profit. » (135)
A quoi cela est-il dû ?
Au moyen âge, la propriété des produits reposait sur le travail personnel. C’est-à-dire le paysan, ou l’artisan, fabriquait son produit à l’aide de matières premières qui lui appartenaient, à l’aide de ses propres moyens de travail et de son propre travail manuel (ou de celui de sa famille).
Avec l’apparition du mode de production capitaliste, caractérisé par la production sociale des produits, à l’aide de moyens de production sociaux (machine à filer, métier mécanique, marteau à vapeur), moyens de production utilisés par un ensemble d’hommes réuni dans les fabriques (travail social), on traite moyens de production et produits comme s’ils étaient restés moyens de production et produits d’individus (la classe capitaliste).
Il convient de saisir la différence entre les deux formes d’appropriation du produit.
L’artisan du moyen âge, possesseur de ses moyens de travail, s’approprie le produit parce que, en général, c’est son produit : il est dû à son travail individuel.
Dans le mode de production capitaliste, le possesseur des moyens de travail continue à s’approprier le produit, alors que ce n’est pas le sien propre, mais qu’il est dû au travail d’autrui : le produit, créé socialement n’est pas approprié par le travailleur qui a mis en œuvre les moyens de production sociaux et a réellement fabriqué le produit mais il est approprié par le capitaliste.
Il y a contradiction entre le caractère social des moyens de production et la production, et une appropriation privée qui présuppose la production privée d’individus, et la propriété privée des produits. Alors que les conditions de l’appropriation privée ont disparu, on continue d’assujettir le mode de production à celle-ci.
Cette contradiction donne au nouveau mode de production son caractère capitaliste (production sociale -- appropriation capitaliste). Dans cette contradiction est en germe toute la grande collision actuelle entre exploiteurs et exploités, bourgeois et prolétaires. Au fur et à mesure où le nouveau mode de production arrivait à dominer dans tous les secteurs et réduisait la production individuelle à quelques restes, cette incompatibilité entre la production sociale par les travailleurs et l’appropriation privée par les capitalistes apparaissait de plus en plus aiguë. C’est cette contradiction qui constitue la base des transformations du mode de production lui-même :
« La seule voie réelle, par laquelle un mode de production et l’organisation sociale qui lui correspond changent, marchent à leur dissolution et à leur métamorphose, est le développement de leurs antagonismes immanents. » (136)
Nous avons vu l’aspect positif de la révolution bourgeoise : la transformation du travail isolé en travail social. Nous avons ici l’aspect négatif : l’appropriation privée par le capitaliste de la production sociale. Lénine a admirablement résumé ces deux aspects du capitalisme :
« Le capitalisme est progressif, car il détruit les anciens modes de production et développe les forces productives ; mais en même temps, à un certain degré de développement, il entrave la croissance des forces productives ? Il développe, il organise, il discipline les ouvriers, et il pèse, il opprime, il conduit à la dégénérescence, à la misère, etc. Le capitalisme crée lui-même son fossoyeur, il crée lui-même les éléments d’un régime nouveau et, en même temps, sans « bonds », ces éléments isolés ne changent rien à l’état de chose général, ne touchent pas la domination du capital. Ces contradictions de la vie réelle, de l’histoire vivante du capitalisme et du mouvement ouvrier, le marxisme, comme théorie du matérialisme dialectique, s’entend à les interpréter. » (137)
D’un côté, l’avènement de la bourgeoisie s’est fait par une lutte victorieuse contre la féodalité et le pouvoir féodal avec ses privilèges, et le régime corporatif qui empêchait le libre développement de la production et la libre exploitation de l’homme par l’homme.
De l’autre côté, le progrès qu’accomplit cette lutte victorieuse ne fait que transformer la forme de l’asservissement, ne fait que métamorphoser l’exploitation féodale en exploitation capitaliste.
A noter que, très rapidement après la naissance du système capitaliste, l’aspect négatif l’a emporté sur l’aspect positif.
« L’ensemble du développement embrassant à la fois la genèse du salarié et celle du capitaliste, a pour point de départ la servitude des travailleurs. » (138)
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