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Les élections législatives 2022 : un nouveau seuil passé vers le renforcement du fascisme en France

  • jeanbernardritt
  • 27 juil. 2022
  • 18 min de lecture

Les élections législatives 2022 : un nouveau seuil passé vers le renforcement du fascisme en France La séquence électorale qui s’est clôturée avec les élections législatives de juin 2022 atteste de l’instabilité qui gagne l’ensemble de la société française. Une instabilité qui confirme en partie l’idée d’une décantation de la seconde crise générale au niveau politique. Si l’élection présidentielle n’aura été qu’une chambre d’enregistrement sans grand intérêt, l’élection législative révèle l’éparpillement d’une opinion publique fragmentée et largement démobilisée, sans qu’on puisse parler d’une crise de régime. On assiste à l’émergence d’un grand pôle de la Droite conservatrice emmenée par le Rassemblement national, un pôle modernisateur-libéral autour d’Emmanuel Macron, dont la NUPES n’est finalement qu’un allié objectif en tant fraction sociale-libérale d’un pôle Démocrate à l’américaine allant de la France insoumise au Modem. Le tout sur fond d’extinction de la société civile. La mort de la société civile, terreau du fascisme La séparation entre société civile et société politique est une analyse classique opérée par la philosophie libérale, qui offre toutefois l’avantage de prendre au mot la prétention de la bourgeoisie à réaliser sa propre domination historique, civilisationnelle. Cette approche bourgeoise veut que la démocratie représentative repose sur l’activité culturelle de la société à travers les associations, les syndicats, les différentes formes médiatiques qui permettent l’émergence d’un « citoyen », c’est-à-dire d’un individu en mesure de se saisir des enjeux par l’exercice de la raison. La qualité de cette activité civile se mesure ensuite aux moments précis que sont les élections puisqu’elles témoignent de la participation politique en vue d’élire des représentants devant servir l’« intérêt général ». Or ce que l’on constate depuis une décennie, c’est une montée de l’abstention et de la non-inscription sur les listes électorales (6% de la population majeure, et ce malgré l’automatisation de la procédure pour tous les jeunes de 18 ans ayant effectué leur recensement à 16 ans) qui traduit un assèchement de la société civile. La bourgeoisie n’est plus en mesure de produire les conditions de son idéal historique, qu’est le modèle d’une citoyenneté s’exerçant dans la représentation électorale. Si l’on met de côté les différentes élections intermédiaires, européennes, régionales et départementales qui sont déjà une expression de l’effondrement historique de la bourgeoisie puisqu’expression d’une décentralisationdéconcentration­ du pouvoir politique, la participation aux élections phares est en nette baisse depuis plusieurs décennies. On dira que les élections municipales et législatives sont sans nulle doute l’incarnation typique de la domination bourgeoise en France. La bourgeoisie a légitimé son pouvoir par ces deux formes politiques, visible avec la transformation des « états généraux » en Assemblée nationale le 17 juin 1789 puis avec la formation formelle des municipalités par cette même Assemblée nationale devenue « constituante » le 12 novembre 1789. Il est connu que la bourgeoisie a livré une bataille tout au long du XIXe siècle pour asseoir sa domination politico-culturelle à tous les étages de la société. Pour cela, elle s’est appuyée sur le mouvement populaire, puis ouvrier, pour faire reculer l’influence des notables réactionnaires liés au clergé dans les municipalités rurales. Dans l’esprit bourgeois, voter, c’est pouvoir agir en Raison, de manière « libre et éclairée » alors même que la société encore emprunte de mœurs féodales voyait la paysannerie voter comme l’Église ou le notable le lui disait, donc de manière « soumise » à des impératifs extérieurs à soi. Comme on le sait, la Commune de Paris de 1871 marque une césure historique définitive, le mouvement ouvrier proposant un nouveau modèle politique fondé sur la démocratie populaire avec une démocratie concentrée dans des conseils populaires élisant des représentants au mandat impératif et révocable. La citoyenneté devient un engagement social totalisant, et non plus une forme politique limitée. La mission historique de la bourgeoisie s’est clôturée là, ne finissant pas entièrement le travail de démocratisation des campagnes. Au notable monarchiste-réactionnaire s’est succédé le notable-libéral gestionnaire, la paysannerie passant sous hégémonie des « républicains conservateurs ». La bourgeoisie a donc eu une longue phase d’ascension dans la conquête de pouvoir politique, allant de 1789 à 1876. Voire même 1848, la période suivant ne prolongeant en réalité que l’inévitable faillite historique de la bourgeoisie à partir de là. Cette phase est marquée par une montée en puissance de l’idéal de citoyenneté, le mouvement ouvrier lui-même réclamant l’exercice de ce droit à travers le suffrage universel masculin. Avec la première crise générale s’étalant de 1917 à 1989, la bourgeoisie est restée sur une position historique de type défensive-conservatrice, visant globalement à maintenir sa capacité de direction politique-civilisationnelle. D’ailleurs, on peut affirmer que le droit de vote des femmes, obtenu entre la fin du XIXe siècle et les années 1970 (1971 en Suisse, 1974 et 1975 au Portugal et en Espagne) selon les pays capitalistes avancés, marque cette position défensive de la bourgeoisie dans la superstructure politique. Les années 1970-1980 marque le début de la décadence de la bourgeoisie à tous les niveaux, avec donc l’effritement de l’idéal de citoyenneté intégrée à la société civile. Les choses évoluant en spirale, la décomposition de la citoyenneté bourgeoise commence réellement dans les années 2000. /61 De fait, la seconde crise générale du capitalisme entamée en 2020 atteste de l’effondrement général de l’idéal libéral de la « société civile » avec un recul absolu de la participation aux deux élections majeures que sont les élections municipales et législatives. Recul absolu car il semblerait qu’il y a plus de non-participants que de participants et cela est particulièrement flagrant pour l’élection législative. Notons ici que la mort de la société civile dans les régimes fascistes a été relatif, relatif à l’émergence de pays socialistes transformant la citoyenneté bourgeoise en une citoyenneté supérieure, socialiste. D’ailleurs, on ne constatait pas une chute du taux de participation dans les métropoles impérialistes du fait de l’organisation du mouvement ouvrier, proposant quelque chose de supérieur dans la société civile (sur le modèle de la social-démocratie historique). Les élections municipales 2020 se sont déroulées au cœur de la première vague de Covid-19, ce qui peut laisser penser que la crainte des contaminations a favorisé l’abstention, bien que les 33 % de participation au premier tour des élections régionales et départementales de 2021 semble relativiser cette crainte comme seul facteur d’explication. A ce titre, on notera que les diverses tentatives de relance de l’idéal citoyen-bourgeois à travers les lois de décentralisation et la « démocratie participative » se soldent par des échecs. Toutes ces thèses visent à masquer la date de péremption de la bourgeoisie. La bourgeoisie a consommé son propre idéal philosophique et politique, les masses populaires ayant décroché de manière générale d’avec l’investissement civil et politique. Le niveau d’abstention de 54 % aux dernières élections législatives confirme la tendance de fond d’une bourgeoisie en décadence et d’un prolétariat isolé dans une société de consommation, bien incapable de proposer une nouvelle citoyenneté, au contenu démocratique et populaire. Un pallier a été ici franchi dans les années 2010, et confirmé lors des législatives de juin 2022, avec un niveau plus élevé d’abstention et de noninscription que de participation. Cela confirme la thèse de l’émergence de la crise générale comme un processus sans « cause » et « effet ». Et, du fait du développement des choses en spirale, l’extinction de la société civile dans le milieu des années 2010 trouve à se réfléchir dans la maturation du fascisme, avec un saut qualitatif s’étant ici clairement opéré lors des élections législatives de juin 2022. L’extrême-Droite franchit un cap lors des élections législatives 2022 Lors des élections législatives de 1986, le Front national, ancêtre du Rassemblement national, obtenait 35 députés. Il avait pu compter à cette époque sur un scrutin de liste à la proportionnelle, bénéficiant aux partis challengers comme l’était le FN. « La bourgeoisie a consommé son propre idéal philosophique et politique » /62 Il est en effet connu que le mode de scrutin de l’élection législative, uninominal majoritaire à deux tours, ne favorise guère les partis qui ne sont pas établis localement dans la durée. Pour accéder au second tour, il faut obtenir au moins 12,5 % des électeurs inscrits (et non pas des votants), ce qui place la barre très haute dans un contexte de forte abstention, et donc de sous-mobilisation des classes populaires et de sur-mobilisation de notables locaux. Ce mode de scrutin des députés est en continuité directe avec l’état d’esprit présidentialiste et « monarchiste » de la Ve République, de Gaulle l’ayant mis en place en 1958 précisément pour assurer la stabilité de l’ordre social par le biais des potentats locaux. C’est dans ce contexte que l’on peut affirmer que l’élection de 89 députés Rassemblement national est un cap majeur franchi pour le camp de l’extrême-Droite car cela se réalise sans conjoncture institutionnelle favorable comme ce fut le cas en 1986. Ce qui est lui donc favorable, c’est une conjoncture historique. Il faut ajouter à cela que dans la majorité des circonscriptions, le candidat RN avait au moins un concurrent incarné par un candidat Reconquête ! voire plusieurs si Debout la France et les Patriotes investissaient des personnalités. En réalité, il y a un signe qui ne trompe pas dans cette avancée du Rassemblement national à cette élection législative : l’implantation géographique. Si l’on regarde les 35 députés de 1986, on a globalement les zones de force historique de l’extrême-Droite sur ces 30 dernières années (et même depuis les années 1930), avec par exemple 10 députés obtenus dans le Sud (4 dans les Bouches-du-Rhône), 3 dans le Nord et le Pas-de-Calais, 1 en Moselle. Les victoires du RN en juin 2022 révèlent un saut qualitatif, avec une percée majeure dans des zones où il en était auparavant absent et une progression logique dans ses territoires historiques. Dans le Var, sur les 8 circonscriptions, le Rassemblement national en gagne 7, laissant la seule circonscription constituée autour de la préfecture de Toulon à la majorité présidentielle. Il gagne 4 circonscriptions sur 5 dans le Vaucluse, 4 circonscriptions sur 6 dans le Gard… Dans les Pyrénées-Orientales, là où Louis Aliot, vice-président du RN a été élu maire de Perpignan en 2020, le Rassemblement national gagne les 4 circonscriptions. Dans le Pas-De-Calais, sur les 12 circonscriptions que compte le Pas-deCalais, le RN en rafle la moitié, avec Marine Le Pen réélue avec 61 % des suffrages dans la circonscription d’Hénin-Beaumont, dont le maire est Steeve Briois. Sur les 9 circonscriptions de la Moselle, le RN en gagne 3. Ce sont là les zones historiques de progression de l’extrême-Droite et l’on voit à ce titre combien les élections départementales et régionales ont été un échec relatif pour le Rassemblement national. Sur les 89 députés élus du RN, on retrouve 63 élus locaux, dont 53 conseillers municipaux et 45 conseillers régionaux. /63 C’est le cas en Gironde, avec l’élection de deux députés RN dans les circonscriptions du Médoc et du Blayais, des zones rurales largement marquées par la culture « Chasse, pêche et traditions ». On retrouve Edwige Diaz, conseillère régionale depuis 2021 et élue députée du Blayais avec 58, 70 % des suffrages exprimés face à la députée sortante LREM Véronique Hammerer. Dans le Médoc voisin, Grégoire de Fournas est élu conseiller municipal de Pauillac en 2020, puis conseiller régional en 2021. Connu pour ses positions de défenseur inconditionnel de la chasse, Grégoire de Fournas est également le dirigeant d’un grand vignoble : il est élu avec plus de 53 % des suffrages devant un candidat LFI-NUPES qui n’a pas bénéficié du soutien de la majorité présidentielle après une déclaration scandaleuse de 2018 sur « les chasseurs [qui] tuent plus que les islamistes ». Mais ce qui traduit véritablement un nouveau pallier, c’est la poussée dans des territoires historiquement plutôt étranger à l’extrême-Droite. Ce sont les cas dans une partie de ladite « diagonale du vide », avec des percées dans l’Allier, le Loiret, l’Yonne. Mais aussi au sud-ouest dans la Dordogne et le Lot-et-Garonne et la Charente. Au Nord-Ouest de l’Île-deFrance, avec le basculement de l’Eure et au Nord-Est avec la Haute-Marne. Derrière cet ancrage local, il y a en réalité le basculement de l’électorat rural de la Droite. Si les années 1990-2000 ont été le moment d’implantation du RN dans le Pas-de-Calais, les années 2010 celui de son ancrage à l’Est et dans les Hauts-de-France, il semblerait que la séquence électorale du printemps 2022 soit celle de l’affirmation du RN dans l’électorat conservateur, historiquement lié à la Droite traditionnelle. On a donc là un pallier qui a été franchi par l’extrême-Droite dans le pays et la quantité de députés obtenus ne fait que refléter une tendance de fond marquée par la conjugaison d’une société civile apathique et d’une capacité du RN à s’être implanté dans le système des notables à la campagne, lui permettant de contourner le « front républicain ». De fait, le RN peut maintenant compter sur des capacités et des positions parlementaires lui permettant de peser plus profondément dans l’opinion publique, de la même manière qu’elles vont renforcer tant financièrement que politiquement son assise dans la société française. « Un pallier qui a été franchi par l’extrême-Droite dans le pays » /64 Quelques exemples typiques Pour comprendre la dynamique du RN et le seuil franchi, on peut regarder quelques cas typiques. Prenons un territoire rural historiquement lié à la SFIO et au PCF qu’est l’Allier. Dans la seconde circonscription qui a pour cœur la préfecture de Montluçon, c’est le RN qui rafle la députation avec un chauffeur-livreur de 29 ans, Jorys Bovet, face à une artiste-comédienne de 25 ans investie par LFI-NUPES, la candidate Ensemble ! ayant été éliminée dès le premier tour. Avec 16 116 voix contre 15 976, le candidat R.N gagne de très peu alors que l’abstention majoritaire à 52 % était toutefois en-dessous de la moyenne nationale de 54 %. En réalité, cette circonscription est surtout peuplée de retraités, et si la candidate LFI remporte la mise dans la zone urbaine comme Montluçon, le candidat RN arrive en tête dans les espaces ruraux, comme Commentry. Jorys Bovet est le premier député d’extrême-Droite de l’Allier et qu’il soit un jeune ouvrier encarté depuis 2 ans au R.N en dit long sur la décomposition de la Gauche historique dans cette zone, ne pouvant espérer mieux que de puiser dans le monde des bobos. Une circonscription révélatrice du basculement de l’électorat traditionnelle de la Droite est sûrement la seconde circonscription de la Haute-de-Marne. Dans ce département, le basculement s’est déjà effectué entre le second tour des élections présidentielles de 2017 et celui de 2022. Résultats des 2e tours des élections présidentielles 2017 et 2022 en Haute-de-Marne Dans la seconde circonscription de la Haute-Marne, le député sortant était François Cornut-Gentille, élu RPR, puis UMP, puis LR depuis 1993. En 2017, il était réélu à plus de 61 % des suffrages exprimés devant un candidat R.N. C’est donc un tournant majeur que l’élection de Laurence Rober-Dehaut, une hypnothérapeute de 58 ans qui a été élue conseillère départementale aux dernières élections départementales de 2021. Elle bat le notable L.R, avec 51, 70 % des suffrages, ce qui en dit long sur le basculement de l’électorat traditionnellement acquis à la Droite. C’est d’ailleurs les deux circonscriptions de Haute-Marne qui basculent à l’extrême-Droite, la première circonscription ayant été remporté par le RN devant la secrétaire d’État chargé à la biodiversité Bérangère Abba. Ce sont les deux premiers députés RN dans le département. Dans l’Eure, le RN conquiert 4 circonscriptions sur 5. D’ailleurs, la 4e circonscription est gagnée de peu par un candidat PS-NUPES, avec 50, 45 % des voix, devant de 350 voix la candidate portée par le RN. /65 La Gauche prise entre l’étau post-moderne et l’enclume néo-populiste Dès la fin du mois d’avril ont été lancés des discussions par les différentes forces de gauche pour former une alliance en vue des élections législatives. Lancée par en haut et maintenue tout au long par des discussions d’étatsmajors, sans aucune vitalité à la base, cette alliance a débouché début mai sur la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES). Au cœur de cette stratégie, il y a la ligne « populiste de gauche » portée par la France Insoumise qui souhaite fonder un large « pôle » qui agrégerait des forces associatives, syndicales et politiques pour représenter un « bloc progressiste ». On retrouve là décalquées les expériences d’Amérique Latine qui influencent Jean-Luc Mélenchon dans un mélange de mouvementisme et de refus des principes organisationnels héritiers du mouvement ouvrier. Dans les pays semi-féodaux et semi-coloniaux, ce type de stratégie génère une perspective modernisatrice de type capitaliste-bureaucratique, ce qui dans les métropoles impérialistes se matérialise par une proposition postréformiste de nature social-nationaliste. Il suffit de voir ici les récentes élections des présidents « de gauche » au Chili et en Colombie. Au Chili, Gabriel Boric, dont l’élection en décembre 2021 fut saluée par les initiateurs de la NUPES, est issu de « Convergence sociale », un regroupement de 4 partis s’étant intégré dans une coalition « Front large ». En Colombie, le nouveau président Gustavo Petro est quant à lui issu du « pôle démocratique alternatif », issu d’une fusion en 2003 de plusieurs partis qui avaient déjà formé une coalition électorale lors des législatives de 2002. Le soir de son élection, Gustavo Petro a annoncé vouloir « taxer les riches » pour « consolider le capitalisme » car « pour pouvoir repartir la richesse, il faut d’abord la produire ». La NUPES représente cette même tendance de fond, qui fait se mélanger perspectives modernisatrices de type post-modernes et volonté sociale dans un cadre national fortifié. On remarquera ainsi qu’il n’y a rien ou presque rien de consistant dans le programme de la NUPES, le plaçant bien en-deçà d’un programme aux prétentions réformistes comme celui de François Mitterrand en 1981 qui avait comme objectif de nombreuses nationalisations (industrielles et bancaires) et la sortie de l’OTAN. Lorsqu’on regarde à l’inverse les scores de l’alliance électorale des gauches autour de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale (NUPES), on est frappé de voir comment son noyau dur qu’est la France Insoumise rafle les secteurs bobos post-modernes. C’est tout particulièrement flagrant avec la Seine-Saint-Denis, ce département qui baigne entre des secteurs étudiants et bobos qui gravitent notamment autour de l’Université Paris VIII et un tissu social déchiré par la décomposition turbocapitaliste typique de la grande métropole. /66 Les 12 circonscriptions ont été gagnés par 10 candidats issu de LFI, et 2 par le PCF. Et ce qui frappe évidemment, ce sont les niveaux très faibles de participation, avec aucune circonscription n’atteignant plus de 45 % de participation. Clémentine Autain est ainsi réélue dans la 11e circonscription, sur une base de seulement 23 % de participation ! De fait, lorsqu’on regarde les résultats de manière générale, il est clair que la gauche est en très net recul, le premier groupe d’opposition à l’Assemblée étant celui des 89 députés R.N. Au total, la NUPES totalise 131 sièges, avec 75 pour la France Insoumise, 27 pour le P.S, 16 pour EELV, 12 pour le PCF, 6 pour Génération.s, 4 députés « ultramarins », ce qui est assez faible étant donné que dans l’immense majorité des cas, les candidats étant les seuls sur leur circonscription du fait de l’accord national. Cela traduit bien une droitisation de la société française, avec notamment le basculement de l’électorat rural plutôt traditionnel vers l’extrême-Droite. On remarquera ici que sur 59 duels ayant opposé un candidat NUPES contre un candidat d’extrême-Droite, 33 ont été gagnés par l’extrêmeDroite et 26 par la NUPES. Cela en dit long sur les faiblesses de la NUPES, incapable de remporter la majorité de ces duels car n’en ayant pas les moyens politiques, et encore moins idéologiques et culturels. De la même manière que les très faibles niveaux de participation dans certains endroits où le candidat NUPES est élu face au RN témoignent de l’inexistence d’une dynamique militante et populaire issue de cette alliance électorale. C’est le cas par-exemple dans la 7e circonscription des Bouches-du-Rhône qui enregistre 71 % d’abstention ou Fabien Roussel réélu avec 60 % d’abstention. Sur ces 59 duels, l’immense majorité l’ont été dans des territoires plutôt ruraux ou périurbains et l’extrême-Droite s’impose sans grande surprise le plus généralement dans les zones les plus rurales. C’est pourquoi François Ruffin, réélu député de Picardie, a déclaré au journal Le Monde après les élections législatives qu’ « on ne doit pas devenir la gauche des métropoles contre la droite et l’extrême droite des bourgs et des champs ». Une déclaration approuvée par le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel. S’il y a une compréhension au moins formellement de la contradiction ville/ campagne, il y a une totale esquive de celle entre intellectuels et manuels. On a là une variante NUPES « beauf » des champs face à une variante NUPES bobo des villes. Cela ne signifie donc pas la remise de la Gauche sur ses rails historiques, mais un basculement assumé vers une ligne néo-populiste de type gilet jaune, qui ne fera que renforcer en tendance le fascisme. Pour bien y voir clair, voici un tableau de l’ensemble des circonscriptions où s’est joué au second tour de l’élection législative une opposition entre la NUPES et le RN, ainsi que le niveau d’abstention (pour rappel, au niveau national, l’abstention a été de 54 %). /67 NUPES RN Abstention Remarques 4e Ain 37, 73 % 62, 27 % 54, 48 % 5e Aisne 37, 59 62, 41 % 54, 15 % 3e Aisne 54,9 % 45 % 55 % 2e Allier 49, 78 % 50, 22% 51, 9 % 1er élu RN du département 1e Alpes-HauteProvence 48, 81 % 51, 19 % 47, 5 % 1e Aude 46, 44 % 53, 56 % 49 % 3e Aude 46, 68 % 53, 32 % 44, 58 % 3e Bouches-duRhône 45 % 54, 9 % 62, 8 % 7e Bouches-duRhône 64 % 35 % 71 % 9e Bouches-duRhône 41, 36 % 58, 6 % 55 % 10e Bouches-duRhône 40, 3 % 59, 6 % 52 % 13e Bouches-duRhône 52 % 48 % 55, 8 % 16e Bouches-duRhône 45 % 55 % 54, 4 % 2e Cher 54,3 % 45, 6 % 55, 8 % 2e Drôme 43 % 57 % 54, 3 % 1er élu RN du département 4e Eure 50, 4 % 49, 5 % 52, 3 % Candidat PS-NUPES 4e Gard 45, 8 % 54 % 51, 47 % 5e Gard 53 % 47 % 49 % 4e Hérault 50, 65 % 49, 35 % 49, 70 % 5e Hérault 45, 76 % 54,24 % 49, 53 % 6e Hérault 30 % 70 % 56, 70 % Candidat d’extrêmeDroite Emmanuelle Ménard (non R.N) 7e Hérault 40 % 60 % 52, 3 % 8e Hérault 50, 59 % 49, 41 % 53, 65 % 5e Gironde 46, 72 % 53, 28 % 52, 24 % Polémique autour de la chasse 4e Loiret 36, 6 % 63, 3 % 54 % 1e élu RN du département 3e Lot-et-Garonne 43 % 57 % 48, 54 % 2e Lot-et-Garonne 30, 75 % 39, 44 % 44 % Triangulaire avec député sortant Ensemble! 2e Marne 45, 19 % 54, 81 % 56, 35 % 6e Meurthe-etMoselle 50, 23 % 49, 77 % 58, 38 % 3e Moselle 51, 46 % 48, 5 % 57, 33 % 5e Nord 49 % 51 % 53 % 15e Nord 46 % 54 % 53 % 16e Nord 49, 6 % 50, 3 % 58 % 19e Nord 43 % 57, 15 % 58 % Sébastien Chenu, candidat RN 20e Nord 54, 5 % 45, 5 % 60, 5 % Fabien Roussel, candidat PCF3e Oise 47, 58 % 52, 42 % 59 % 11e Pas-de-Calais 39 % 61 % 58, 37 % Marine Le Pen, candidate RN 12e Pas-de-Calais 43, 70 % 56, 30 % 58, 24 % 5e Puy-de-Dôme 69, 43 % 30, 57 % 52, 76 % André Chassaigne, candidat PCF4e Saône-et-Loire 56, 30 % 43, 70 % 54, 27 % 2e Sarthe 63 % 36, 9 % 56, 82 % 4e Sarthe 50, 15 % 49, 85 % 55, 58 % 3e Seine-Maritime 70, 3 % 29, 6 % 58 % 4e Seine-Maritime 53, 12 % 46, 28 % 56, 30 % 5e Seine-Maritime 55, 8 % 44, 19 % 52, 45 % 6e Seine-Maritime 57, 8 % 42, 19 % 51 % 6e Seine-et-Marne 47, 87 % 52, 13 % 59 % 7e Seine-et-Marne 51, 31 % 48, 69 % 58 % 1e Somme 61 % 39 % 55 % François Ruffin, candidat NUPES 5e Somme 39, 21 % 61 % 51, 68 % 1e Tarn 47 % 53 % 48, 53 % 1e Tarn-et-Garonne 58, 29 % 41, 79 % 49 % Valérie Rabault, candidat PS-NUPES 1e Vaucluse 48, 84 % 51, 16 % 56, 57 % 2e Haute-Vienne 61, 47 % 38, 53 % 47, 56 % 1e Yonne 49 % 51 % 50, 20 % 2e Belfort 51, 37 % 48, 63 % 52, 44 % 2e Essonne 46, 73 % 53, 27 % 53, 68 % 8e Essonne 42, 74 % 57, 26 % 52, 47 % Nicolas DupontAignan, candidat « Debout la France » (non R.N) 9e Val-D’oise 56, 42 % 43, 58 % 62, 44 % « S’il n’y a pas de crise de régime, c’est qu’il n’y a pas trois blocs, mais bien deux » /68 Non pas deux mais trois blocs À la vue des résultats de l’élection présidentielle, puis surtout celle des législatives, il apparaît qu’une cristallisation s’est effectuée au niveau du rapport des forces politiques. Cela confirme de manière relative le fait qu’une décantation de la crise se joue bien ici dans la superstructure, et précisément dans le domaine politique. Relatif car s’il y a une instabilité réelle, cela n’est pas pour autant une crise de régime à proprement parler. Et s’il n’y a pas de crise de régime, c’est pour la bonne raison qu’il n’y a pas trois blocs comme cela est souvent dit, mais bien deux. En effet, selon diverses analyses, il y aurait grosso modo, un bloc « élitiste », un bloc « réactionnaire » et un bloc « populaire ». En réalité, il n’y a pas de crise de régime, car cette lecture en trois blocs est erronée. Au regard des tendances historiques de fond, il y a deux blocs. Un bloc que l’on peut qualifier de libéral- progressiste, et un autre bloc que l’on peut désigner à l’inverse comme national-conservateur. Dans ce schéma, il n’y a donc pas de dynamique autonome liée au mouvement ouvrier en mesure de proposer un rapport de force antagoniste, ce qui engendrerait une crise de régime. On se retrouve en France avec une configuration à l’américaine, avec ses contours spécifiquement français du fait du parcours national-historique des luttes de classe dans ce pays. D’un côté un camp général de type « républicain » à l’américaine et de l’autre, un camp général de type démocrate à l’américaine. La NUPES, avec dorénavant un noyau de députés EELV, forme une sorte de courant social-progressiste du camp démocrate à la française, Renaissance étant son courant libéral-modernisateur. Sur le plan culturel, il n’y a strictement aucunes divergences. A l’inverse, le Rassemblement National devient la force pivot d’un vaste camp national-conservateur à l’image du « Tea Party » aux États-Unis. Cette force peut très bien soutenir des initiatives législatives portées par la Droite traditionnelle LR, elle-même proche d’« Horizons » d’Edouard Philippe. Si l’on doit simplifier à l’extrême, on peut dire que Renaissance d’Emmanuel Macron est une sorte de canevas « démocrate » dans les grandes agglomérations françaises, ayant en soutien la NUPES dans sa volonté sociale-modernisatrice, quand le R.N devient progressivement un canevas « républicain » dans les campagnes, notamment dans sa défense du « terroir » et de la chasse unifiant les « rednecks » à la française. L’instabilité relative de la Ve République qui se dévoile avec les élections législatives ne pourra se transformer en crise de régime qu’avec le retour de l’Histoire, et notamment de la guerre, recréant un prolétariat constitué en une force autonome et antagoniste avec les institutions. Et cela doit passer par la résolution des deux grandes contradictions, intellectuels/manuels et villes/campagnes. ■ PARTI COMMUNISTE MARXISTE LENINISTE MAOISTE DE FRANCE

 
 
 

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